Heureusement le réseau routier
tunisien est en bon état et permet aujourd'hui d'avancer au Sud avec
un véhicule aussi peu conçu pour le désert que le Ducato. Quitter
le goudron reste toujours très tentant, tout le temps ou le sable
n'est pas trop présent.
Les ksars qui entourent la région de
Tataouine offrent pour chacun une visite spectaculaire. Complètement
délaissés par ses habitants depuis plus d'un siècle, ils
constituaient au moyen-âge des villages refuge à la vue dominante
souvent autour d'une forteresse défensive. Construits d'argile et de
pierres pour la partie visible, la plus grande part de l'habitat est
troglodyte autour d'une cour ceinte de hauts murs. Ils constituaient
de véritables cités de plusieurs milliers d'habitants
Ouled Soltane, Douiret, Guermessa,
Chenini sont les principaux villages berbères en ruines qui nous
occupent 2 jours durant, avec à chaque fois des vues panoramiques
sur le désert.
Comme le dit mon fils, notre génération
n'a pas été sous influence "Star War" et tout en
discutant avec un berbère de Chenini, nous apprenons que nous sommes
face au décor naturel d'une célèbre scène de la Guerre des
Etoiles. Du coup ses souvenirs de 28 ans nous révèlent quelques
détails de la gigantesque production qui a ici bouleversé la vie
de la région.
Le ksar Ghilane, lui n'a rien
d'attractif mais la palmeraie rafraîchissante de cette oasis de 90
hec au bout de plusieurs heures de route dans le désert est
toujours magique. Plantée en 1953 en palmiers dattiers et en grands
tamaris à la suite du forage pétrolier qui perça une nappe
phréatique à 700 m de profondeur, Ghilane est une véritable porte
du Sahara où la colonne Leclerc livra bataille en mars 43 face aux
troupes Italo-germaniques.
Autre porte saharienne, et gardienne du
grand Erg, Douz n'est plus le point de ralliement des nomades
marzougui et les restes de la culture chamelière sont livrés aux
seules caravanes des touristes, quand ils ne préfèrent pas les
folles équipées en quad. Mais même dans ce domaine les temps sont
durs derrière une révolution et les années Covid.
Pourtant jamais je ne me suis autant
senti si bien et en sécurité dans ce pays au top de de l'accueil et
de la convivialité. La relation historique avec la France compte
sans doute mais au plus profond du désert nous avons des sourires et
des marques de bienvenue. C'est encore le cas ce soir à notre étape
de Kébili. Le campement s'appelle "Les Amis du Camping"et
l'accueil familial d' Arafat restera un moment fort de notre voyage.
Sa femme et lui, entourés de leur 3 enfants, sont d'une incroyable
gentillesse pleine de respect, de discrétion et d'attentions dans
une cadre agréable façonné par 28 ans de passion.
(N 33°41'43" E 8°57'45")
Que du bonheur, merci à vous deux les amis.
La matinée suivante vers Tozeur nous
réserve une longue traversée rectiligne plein ouest à travers une
sorte de salar pendant prés de 100 km : Chott El Jéride. Ici comme
dans tout le Sud Tunisien, on a presque pas vu la pluie depuis 3 ans.
Le sol de cette étendue uniformément plate est constituée d'une
croûte de cristaux de sel épaisse et résistante qui repose sur une
masse de boue argileuse et de sable plus ou moins aquifère. D'une
exploitation d'extraction en son centre sortent quelques camions dont
le chargement finira sur nos routes d'Europe aux premiers frimas
mais qu'adviendra-t-il de cette région quand le lithium y sera au
goût du jour ?
Le contraste est saisissant à notre
bivouac du soir au beau milieu de l'oasis de Tozeur qui cache de somptueux portails de dar.
Commençons par la découverte de la
palmeraie, elle est constituée d'un million de palmiers sur 4500 ha.
La datte et ses dérivés constituent le produit phare de la ville
comme dans tout le Sud tunisien. Alors nous avons tant à apprendre
sur la phoeniciculture et la culture oasienne en général, nous nous
rendons au très intéressant musée du palmier dattier avant de finir
la journée par une paisible balade dans cette forêt.
Nous poursuivons le lendemain avec nos
5 kg de dattes à grignoter en traversant le Chott Er Rahim, faisant
cap au nord ouest sur le djebel qui, bien qu'à 60 km, se dessine sur
l'horizon. Presque à la frontière algérienne il y a une passe dans
la montagne à Tamerza et l'oasis est ici superbe pour une balade
dans les canyons et les cascades de l'oued.
D'ici nous commençons notre remontée
vers le Nord en traversant le bassin d'extraction du phosphate de
Gafsa. Géographie plate de moins en moins saharienne, la végétation
revient, et avec l'énorme urbanisme populaire, le retour des villes
sales qui caractérisent dramatiquement le Nord du pays.
L'autre souci est de plus ou moins
longer la frontière algérienne dans un climat d'insécurité
prétendue et des forces armées plus présentes. A Mejan Bel Abès,
nous sommes indésirables par la Garde Nationale, circulez ! Le
bivouac devient plus difficile, nous nous retrouvons à Feriana pour
une nuit très bruyante sous la surveillance du poste de police.
Mais pour ce soir, à 800m, près de Kef, nous avons pris les devant
en nous cachant avant la nuit dans les détours de chemins de
montagne, non sans avoir été délogés une première fois par une
patrouille zélée. Il y a aussi plein de gens débordant de
gentillesse et d'hospitalité dans la campagne qui ont bien du mal à
comprendre que nous n' avons besoin de rien.