samedi 24 octobre 2020

Épilogue Sardaigne

 

24/10/2020

Nous voulions terminer ce tour de l'île par l'impression première que nous en avons eu en descendant la côte Ouest.

Nous voulions garder de ce pays son aspect authentique et sa mémoire identitaire que les gens d'ici semblent porter encore en eux.

Nous voulions sentir encore l'omniprésent parfum de chèvrefeuille de son maquis et étonner notre regard une dernière fois en croisant ses chaos de granite

Nous voulions un dernier bivouac dans la sérénité et la lumière du "petit soir" de son fantastique littoral comme à Isola Rossa, calme et lumineux


Pour regagner Porto Torres, Lili concocte un dernier itinéraire qui nous donne un peu de tout ça, et même un peu plus, en suivant encore d'excellentes petites routes provinciales.

Il nous conduit dans le surprenant décor de la Vallée de la Lune,


avant de déambuler entre les murs de granite du village d'Aggius jusqu'à son intéressant musée ethnographique.







En sortant affamés, le hasard nous fait découvrir une très bonne table de Sardaigne pour un agréable moment de convivialité gustative (chez "Il Mosto")

Hasard encore, au milieu d'une campagne déserte, nous tombons sur la silhouette d'un imposant édifice construite en trachyte rouge au sommet d'une petite élévation. En nous approchant, nous découvrons une cathédrale édifiée au XI s. Sans cesse remaniée depuis 1000 ans, aujourd'hui cette basilique est reconnue comme le plus grand édifice religieux roman de Sardaigne, mais en toute discrétion ! De sa création pisane à sa restauration du XX s en passant par une période cistercienne bourguignonne, notre guide passionné et intarissable, essaie, une heure durant, de nous interpréter une multitude d'éléments de son architecture et leurs références bibliques.



Hasard toujours de nos détours, la roche nous surprend encore quand elle se refroidit autour des arbres ou en dessinant d'étranges animaux, quand elle fabrique des domus naturelles





Finalement cette balade sarde aura eu pour principal fil conducteur surtout l'empreinte de son histoire à travers les siècles, et c'est sur la période espagnole que nous la clôturons à Castelsardo.


Ce soir la magnifique boucle de 1700 km se referme à Porto Torres à l'heure de la passéggiata en attendant notre embarquement.





jeudi 22 octobre 2020

Sardaigne - Côte Est

 

22/10/2020

Les granites rouges constituent le décor principal de notre route depuis le Sud et rendent notre remontée  vers le Nord encore plus magnifique.


La meilleure opportunité géographique de se mettre à l'eau semble à Cardedu, d'autant plus que la météo moins nuageuse et le calme plat de la mer sur la côte sous le vent d'Ouest, nous donnent les conditions optimales pour une virée kayak dans un dédale de roches rouges et de criques désertes sur fond vert du maquis.


Après un avitaillement au Conad de Bari Sardo, nous redescendons vers le spot de mise à l'eau repéré. Vraiment top ! même en fin de semaine nous y sommes quasiment seuls pour 2 jours de bivouac et de pagaie. Les carabinieri sont cool et nous laissent bivouaquer là.



La journée de grisaille qui suit est aussi pleine d’à-propos ! Comme il nous faut nous remettre de nos efforts, un circuit voiture en montagne est le bien venu. Les 200 km qui vont suivre nous font changer de minéral plusieurs fois dans la journée avec des panoramas à couper le souffle, des villages perchés connus pour leurs muralistes locaux et même un Alto Piano del Golgo désert où divaguent chevaux, cochons, moutons, ânes

De Cardedu à Dorgali





Nous rattrapons la mythique strada statale SS 125 qui traverse le pays du Nord au Sud par la cote Est, et nous conduit à un dernier col, Genna Silana, à 1000 m en point d'orgue à cette journée montagne.


Paysages sauvages et grandes parois calcaires du Supramonte, profonds ravins et sommets à 1500. Là, le canyon européen du Gorropu nous tente bien mais ses 1000 m de dénivelé nous refroidissent pour un trek qui semble assez sportif, le tout en Parc National rend le bivouac plus difficile pour passer la nuit en attendant le beau temps qui règne plutôt le matin jusque vers 14 h.

Pas plus simple de trouver un endroit pour s'arrêter le soir au bord du Golf d'Orosei que l'on découvre au bout de la longue descente des 1000 m vers la mer Tyrrhénienne.



Cala Gonone semble avoir des airs de station balnéaire éveillée et policée. De là, un choix difficile entre marche et kayak jusqu'à la Cala Luna. Nous le transigeons par un aller à pied et un retour en bateau taxi au pied des grottes creusées dans les falaises



Dans les profondeurs du massif karstique du Supramonte circule un réseau de rivières souterraines dont le débit peut dépasser les 10 000 l/s quand il pleut. Ce réseau à été partiellement exploré par un italien à -135 m et des colorations ont dévoilé la résurgence dans une des vallées sous les parois vertigineuses.



Nous y passons la nuit sous les eucalyptus en attendant le jour pour s'engager sur une longue et belle piste jusqu'au pied du massif.



Là nous devons abandonner le camion contre chaussures et bâtons pour grimper 350 m jusqu'à Tiscali à travers les rochers, les pistachiers lentisques, oliviers romarins et térébinthes Un site nuragique exceptionnel s'est installé là il y a presque 4000 ans sous les aplombs de roche au fond d'une doline créée par l'effondrement circulaire de la voûte d'un immense gouffre.





La montée ardue, bien balisée comme souvent en Sardaigne, est magnifique et les vestiges des habitats préhistoriques sont émouvants. Complètement invisibles de l'extérieur, ils ne se méritent qu'en se donnant la peine d'y monter pour pénétrer au dernier moment dans le gouffre par une faille.



L' effondrement vu du ciel

Un peu à regrets, nous quittons le Supramonte qui offre tant de possibilités "très natures" et de randonnées pour retrouver la SS125. Presque seuls sur cette belle route, à l'image du réseau routier du pays.

La côte aux belles eaux turquoises paraît pourtant moins pittoresque, à moins que se soit le vent du Sud qui se lève très fort et la rend moins attrayante aujourd'hui? Pourtant sa géographie découpée avec beaucoup d'îles proches, donnent de parfaits clichés de lagons paradisiaques.

Non, ça vient d'autre chose ? Comme si l'ambiance changeait complètement. Nous ne semblons plus y reconnaître ce que nous croyons avoir perçu de l'identité sarde jusque là.

Plus nous avançons vers le Nord, plus les villages privés jalonnent le littoral, les condominiums occupent bientôt chaque crique, les villages prennent des allures de "station", dans les marinas de plus en plus nombreuses, la taille des yachts augmente, la publicité s'empare du regard le long des routes ...

En réalité, nous voici arrivés sur la Costa Esméralda et c'est bien l'homme qui en a modifié l'atmosphère, plus exactement la jet set italienne qui semble s'être emparée des lieux.




La proximité de la capitale régionale, Olbia, offre tous les services de communication et l'intérêt de la ville doit surtout résider dans son développement économique fulgurant, résolument tourné vers le modernisme et l'avenir de marché.

Une autre Sardaigne ici ? Elle semble nous jouer l'inévitable musique bien connue, celle d'un certain développement, même si la promotion immobilière reste élégante et discrète.                                                                                                              Bien moins intéressés par cette partition là, nous décidons de nous retourner vers les montagnes de l'intérieur de l'île pour les 3 jours qui nous restent avant de ré-embarquer.


En déambulant à travers les monolithes de pierre extraits par les romains pour y tailler des colonnes de granite au cap Testa, nous saluons Bonifacio à moins d'une vingtaine de km de l'autre côté des bouches. A partir de là, nous retrouvons une Sardaigne plus humble et plus sereine que nous avons tant appréciée.