mercredi 26 août 2020

De bisse en bisse

 

26 août 2020


Nous changeons de Massif ! Après notre traversée des Pyrénées d'Est en Ouest et un détour en Normandie pour les 97 ans de ma maman, nous retrouvons nos amis suisses-savoyards pour quelques balades au fond de magnifiques vallées alpines.




A Saint Jean d'Aulps, c'est un nouveau retour sur les villégiatures de ma jeunesse au pied du Roc d'Enfer où nous rejoignons nos amis de l'épopée vers l'Amérique du Sud (2013) et d'invétérés voyageurs, Alain et Sylviane, qui n'ont de cesse de faire partager leur Haute Savoie.

Calés par une excellente fondue (attention, "suisse" la fondue, y a pas photo !) et le plein de fromages pour une semaine, c'est en suivant la vallée d'Abondance que nous regagnons l'artère vitale du Valais vers Martigny, passage obligé le long du Rhône pour accéder aux innombrables vallées latérales au fond desquelles se cachent les majestueux 4000 et leurs glaciers imposants.


Mais pas seulement ! C'est autour de véritables monuments historiques du paysage valaisan que Michel nous propose un programme de visite beaucoup plus cool le long de quelques uns des bisses les plus connus. Devenus atouts touristiques, ils témoignent de la vie économique et sociale du canton.




Depuis le Moyen Age et l'abandon progressif des cultures céréalières après les ravages des épidémies de peste, l'agriculture valaisanne oriente ses surfaces agricoles vers l'élevage et la production fourragère plus exigeante en eau. Cette eau est abondante au fond des vallées latérales, au pied des glaciers. Mais pour la répartir sur les terres dédiées à l'élevage, dans une région réputée pour son climat sec et ses 300 jours d'ensoleillement par an, il faut aller la chercher loin et la maintenir en hauteur sur des kilomètres (parfois une vingtaine !) en l'acheminant à flanc de parois, le long des falaises ou la faire courir avec environ 1% de pente dans des gorges vertigineuses.

Si la ressource naturelle de l'eau a de tous temps été considérée comme un bien commun, c'est son usage et sa maîtrise qui restent question de survie. Pour prévenir des conflits et des affrontements entre communautés, la construction, la maintenance et la surveillance d'ouvrages spectaculaires se sont organisées en consortium. Les consorts, intéressés par la ressource hydrique, participaient aux périlleux travaux au prorata des surfaces agricoles dont ils disposaient.

Sous le glacier du Trient, un magnifique chemin le long du Bisse du Ruisseau monte vers vers la Fenêtre d'Arpette






et pour clore cette belle découverte, le lac de Champex nous offre un bivouac de rêve pour fêter notre Boubou dans son avancée vers l'âge canonique. 

                                                                                    Happy birthday Michel !






Comme par hasard, (mais assurément sans aucun rapprochement avec la vie de Boubou!), le lendemain la balade le long des cours du Bisse du Milieu et du Bisse Vieux enchante notre journée, enfin pour Hélène "c'est Bourquin qui ramène !", mais heureusement les charmes du stop opèrent encore !





Toujours dans l'hydraulique le lendemain ! Mais en plongée dans les moyens techniques du XX s cette fois pour pénétrer dans le monstre de béton du plus haut barrage poids du monde.



La Grande Dixence forme le lac des Dix à 2364 m d'altitude.

200 m de large à sa base et 285 m de haut retiennent 400 M de m3 d'eau depuis 1961. Un énorme réseau de plus de 100 km de galeries d'amenée, de puissantes stations de pompage pour relever l'eau, des usines de turbinage souterraines, un puits blindé ...


Nous sommes impressionnés par ce monstre, tout comme l'a été le jeune manœuvre Jean Luc Godard qui réalise ici entre deux coulées, un de ses premiers films en 1953 "Opération béton" sur les rythmes et cadences du chantier. 

La visite grand public, épurée, consensuelle et minimaliste chante la grandeur du pays à travers le gigantisme de l'ouvrage et de sa mise en oeuvre. Pour son réel bilan énergétique, ses risques, ses accidents... les curieux devront chercher ailleurs...

En tout cas bravo à notre guide qui, tout en changeant d'époque, reste sur la même thématique des préoccupations humaines à travers les siècles. La montagne, seule, en souffre toujours davantage. Derrière les bardages bois genre "chalets suisses" la multiplication des stations avec ses programmes immobiliers et ses installations "sportives" croissantes n'en est que plus choquant devant le recul des géants de glace...

Mais pas besoin de s'epouairer, en haut des virolets , il y aura toujours des perles d'eau turquoise cachées quelque part au milieu des alpages avec des vaches d'Hérens qui pâturent en attendant le prochain combat des Reines, des étendues de myrtilles dans les dérupes comme ici au Lac bleu.





On y croise aussi de hasard des gens qui veulent encore y croire, comme ce monsieur qui dévale la barautière au petit trot à 75 ans et signe ses sculptures dans les rapines du Chemin des Planètes du coté de l'hôtel Weisshorn au fond du Val d'Anniviers (voir "en remontant le Rhône" de 10/19)... Chapeau Monsieur Claude Antille !



Après Evolène et son village ancien de pierres, de bois et de géraniums, on dégringole à nouveau vers le Rhône pour changer de vallée. Changer même de versant en retraversant le Rhône vers Sion puis Sierre.

A Aminoma le panorama de notre bivouac offre une vue spectaculaire sur les grands sommets suisses que le couchant illumine tard dans la soirée fraîche, rien que pour nous. Bon sans doute les bobos de Cran-Montana à côté en profitent bien un peu aussi, normal, ils payent eux !


Le Bisse du Ro, le plus "aérien" de nos balades en marchant vers le barrage de Tseuzier, clôture notre "bisse-tour" avec la petite mousse au Clébard Palace.






Comme le meilleur est toujours pour la fin , nous trouvons notre dernier bivouac plus à l'Est encore sur le même versant, rive droite du Rhône, dans le Lotschentale. Tout au fond de cette vallée percée de tunnels et de pare-avalanches, il y a cet ancien cirque glaciaire qui semble épargné de la folie constructive de l'homme. Les gens vivent ici en estive, en vacances, en randonnée, de passage... tous par amour de la montagne brute et sauvage.




Un vaste périmètre de sagesse au classement en Patrimoine Mondial


y a figé toute velléité d'équipement et tout au long de notre circuit, les minuscules randonneurs que nous sommes se remplissent d'humilité à chaque pas, levant sans cesse le regard vers les hauts sommets cernés des plus grands glaciers alpins.





Comme d'hab, nous en redescendons un peu frustrés de ne pas aller plus haut pour atteindre cette cabane, cette langue de glacier, ce sommet si proche... si loin...

De retour sur les bords du lac de Genève, Oh pardon Alain ! du lac Léman !...la soirée avec les traditionnels filets de perche du lac, (où d'ailleurs !), viennent clôturer une magnifique semaine de fraîcheur et de merveilles en devisant encore sur la perspicacité d'un douanier suisse zélé, tristement éveillé par l'aspect baroudeur au tonnage improbable du Régent S d'Alain et Sylviane.

                                                                                                       Merci les amis.