mardi 13 décembre 2022

EPILOGUE TUNISIEN


Au terme d'un incroyable et incompréhensible circuit de 3 h dans la gare maritime de la Goulette à Tunis avec de nombreux contrôles douaniers et police des frontières, nous nous retrouvons à bord du très beau ferry Corsica, le Danielle Casanova, pour le retour vers Marseille.







Le nomadisme en véhicule a souvent recours au "shipping" qui donne le temps du changement. Hélas le passage en zone portuaire n'a souvent rien de romantique. Mais Marseille est sans doute la plus belle des arrivées maritimes que je connaisse.

Ces ports sont souvent excentrés dans de vastes zones économiques peu attrayantes du transit international. Mais vivre ici cet accostage depuis les 40 m des ponts supérieurs d'un navire pour entrer au cœur de la ville au son des coups de corne, c'est autre chose.


Les manœuvres d'amarrage au pied de la Major, avec le Fort St Jean et le Mucem en fond, mettent le point d'orgue à une navigation d'approche qui atterrit sur les calanques jusqu'au îles du Frioul avant d'embouquer le chenal du Vieux Port.

Débarquement ultra rapide et 5 minutes plus tard, nous roulons vers la Joliette.


Trois belles semaines d'un beau voyage de 2700 km, en complète sécurité, beaucoup de découvertes et encore davantage de marques de gentillesse et témoignages de sympathie.


Les "Portes du Sahara" révèlent un Sud prometteur plus fort que le Nord urbanisé trop souvent souillé dans bien des domaines. Dommage qu'une géopolitique actuelle ne peut se permettre de tenir la Promesse du Désert ! Tant en Algérie qu'en Libye, ses deux voisins, la route de l'aventure réserve pourtant bien des merveilles. Alors laissons l'image d’Épinal aux promoteurs de l’hostellerie de masse et autres clubs ensoleillés.

Contentons nous cette fois d'une Tunisie au riche passé méditerranéen encore très ouverte et accueillante malgré un présent bien peu lisible quand on a 20 ans. Au regard des nombreuses civilisations qui se succèdent là depuis 25 siècles, l'histoire ne fait-elle pas que trébucher dans l'amplificateur médiatique ?


Un lieu commun sans doute de dire que la Tunisie est attachante ? Peut être, mais elle a tant à nous dire et tant à faire aussi, qu'elle porte bien davantage notre intérêt et notre curiosité que nos précédentes destinations européennes "accomplies et installées".









samedi 10 décembre 2022

NORD TUNISIE

Après les régions minières d'extraction du phosphate, c'est le grenier céréalier de la Tunisie que nous traversons dans un paysage vallonné entre 400 et 900 m d'altitude. Pas un hectare n'échappe à la mise en culture mécanisée et à la préparation des sols pour les semailles du blé d'hiver. Les haies et les arbres ont souvent disparu du paysage pour laisser toute la place à une mono-culture extensive. Les fermes sont très modestes avec très peu d'installation. 

César, déjà, nourrissait Rome grâce à ces terres fertiles de l'Empire Romain.



Une halte dans la trépidante ville universitaire de El Kef nous ouvre les portes de la kasba pour une visite de la forteresse. Les édifices juifs et chrétiens alentours dans la médina, eux, sont fermés et semblent souffrir d'un manque d'entretien.


Nous découvrons aussi 2 sites romains majeurs sur notre route. D'abord, les ruines de Sbeitla assez mal mises en valeur. 




Elles nous paraissent beaucoup moins spectaculaires que celles de Dougga très étendues, près de Teboursouk. A moins que ça soit la présence animée d'un groupe d'étudiants du Maghreb qui, pour une fois ramène de la vie dans un site ?


Ici l'architecture romaine fort bien conservée, montre la ville avec ses rues et ses édifices, et aide  notre imaginaire à nous transporter 20 siècles en arrière.







Par des routes secondaires cassantes, dont l'entretien inexistant n'a plus rien à voir avec la qualité du réseau principal, notre remontée vers le Nord prend fin à Tabarka en retrouvant la mer et aussi hélas, un nouvel épisode pénible avec la police qui veut absolument nous parquer en ville pour la nuit en nous privant d'un bivouac aux Aiguilles, réputées "dangereuses" pour eux. En effet, un peu à l'écart de la ville, au bout d'un malécon vétuste, c'est l'endroit souvent choisi par une jeunesse désœuvrée pour y amener quelques canettes de bière interdites



En route pour notre dernière étape qui longe la côte Nord jusqu'à Bizerte.

Il nous faut bien, ce soir, la sérénité de ce superbe bivouac pieds dans l'eau, sur une magnifique plage déserte de la baie sous le Cap Serrat, pour éviter à la nostalgie du Sud et du désert de nous envahir. Dans notre dos une immense forêt d'eucalyptus séculaires et de pins serrés borde les dunes.



On oublie bien volontiers la police des milieux urbains à vouloir trop bien faire son travail....Mais où est la quiétude du voyage d'antan ?

Les oiseaux migrateurs sont absents des lacs et lagunes qui précèdent l'arrivée dans cette grande ville industrielle au fort passé colonial. Sur la route tous les nids à cigogne sont vides, elles auraient choisi d'autres sites de villégiature plus au Sud pour leur migration hivernale, nous les comprenons un peu...

Depuis la révolution, la fréquentation touristique n'aurait pas repris elle non plus, pourtant le vieux port et la médina sont plein de charme et d'ambiance à Bizerte. 





Comme de bons touristes, nous embarquons pour le déjeuner de poissons à bord du bateau qui vient de les pêcher et bien sûr, pas sans la compagnie des chats!




Afin d'éviter les soucis avec la police, (le parking du Bizerte Ressort ne veut pas de nous pour la nuit), nous partons bivouaquer ailleurs. Mais pas avant d'être allés nous perdre dans le labyrinthe des ruelles de la kasba blottie depuis des siècles dans les remparts de la vieille cité byzantine.

Nous serons demain soir de retour à Sidi Bou Saïd en refermant notre grande boucle Tunisienne de 2700 km, alors une dernière nuit authentique s'impose, et c'est véritablement au sein du petit port de pêche animé de Ghar El Melh que nous trouvons refuge




"Charmant, romantique, paisible..." oui si on veut... 
C'est surtout un petit port de misère avec les plates rudimentaires de pauvres pêcheurs qui se déhalent à la rame matin et soir pour poser et relever des bouts de filets dérivant. Dans l'attente du retour, les chats du quai sont là. 
C'est un bout de Tunisie, populaire, simple et chaleureuse où nous apprécions un dernier moment de sa gentillesse et de son accueil que nous avons rencontrée partout.


Oui, dans la "série collector" des ronds point kitschs d'Afrique, je n'ai pas pu m'empêcher de retenir celui ci ! Faites vous plaisir et zoomer à souhait !





mardi 6 décembre 2022

SUD TUNISIEN

 Heureusement le réseau routier tunisien est en bon état et permet aujourd'hui d'avancer au Sud avec un véhicule aussi peu conçu pour le désert que le Ducato. Quitter le goudron reste toujours très tentant, tout le temps ou le sable n'est pas trop présent.



Les ksars qui entourent la région de Tataouine offrent pour chacun une visite spectaculaire. Complètement délaissés par ses habitants depuis plus d'un siècle, ils constituaient au moyen-âge des villages refuge à la vue dominante souvent autour d'une forteresse défensive. Construits d'argile et de pierres pour la partie visible, la plus grande part de l'habitat est troglodyte autour d'une cour ceinte de hauts murs. Ils constituaient de véritables cités de plusieurs milliers d'habitants





Ouled Soltane, Douiret, Guermessa, Chenini sont les principaux villages berbères en ruines qui nous occupent 2 jours durant, avec à chaque fois des vues panoramiques sur le désert.




Comme le dit mon fils, notre génération n'a pas été sous influence "Star War" et tout en discutant avec un berbère de Chenini, nous apprenons que nous sommes face au décor naturel d'une célèbre scène de la Guerre des Etoiles. Du coup ses souvenirs de 28 ans nous révèlent quelques détails de la gigantesque production qui a ici bouleversé la vie de la région.



Le ksar Ghilane, lui n'a rien d'attractif mais la palmeraie rafraîchissante de cette oasis de 90 hec au bout de plusieurs heures de route dans le désert est toujours magique. Plantée en 1953 en palmiers dattiers et en grands tamaris à la suite du forage pétrolier qui perça une nappe phréatique à 700 m de profondeur, Ghilane est une véritable porte du Sahara où la colonne Leclerc livra bataille en mars 43 face aux troupes Italo-germaniques.




Autre porte saharienne, et gardienne du grand Erg, Douz n'est plus le point de ralliement des nomades marzougui et les restes de la culture chamelière sont livrés aux seules caravanes des touristes, quand ils ne préfèrent pas les folles équipées en quad. Mais même dans ce domaine les temps sont durs derrière une révolution et les années Covid.

Pourtant jamais je ne me suis autant senti si bien et en sécurité dans ce pays au top de de l'accueil et de la convivialité. La relation historique avec la France compte sans doute mais au plus profond du désert nous avons des sourires et des marques de bienvenue. C'est encore le cas ce soir à notre étape de Kébili. Le campement s'appelle "Les Amis du Camping"et l'accueil familial d' Arafat restera un moment fort de notre voyage. Sa femme et lui, entourés de leur 3 enfants, sont d'une incroyable gentillesse pleine de respect, de discrétion et d'attentions dans une cadre agréable façonné par 28 ans de passion.


(N 33°41'43" E 8°57'45") Que du bonheur, merci à vous deux les amis.

La matinée suivante vers Tozeur nous réserve une longue traversée rectiligne plein ouest à travers une sorte de salar pendant prés de 100 km : Chott El Jéride. Ici comme dans tout le Sud Tunisien, on a presque pas vu la pluie depuis 3 ans. Le sol de cette étendue uniformément plate est constituée d'une croûte de cristaux de sel épaisse et résistante qui repose sur une masse de boue argileuse et de sable plus ou moins aquifère. D'une exploitation d'extraction en son centre sortent quelques camions dont le chargement finira sur nos routes d'Europe aux premiers frimas mais qu'adviendra-t-il de cette région quand le lithium y sera au goût du jour ?






Le contraste est saisissant à notre bivouac du soir au beau milieu de l'oasis de Tozeur qui cache de somptueux portails de dar.





Commençons par la découverte de la palmeraie, elle est constituée d'un million de palmiers sur 4500 ha. La datte et ses dérivés constituent le produit phare de la ville comme dans tout le Sud tunisien. Alors nous avons tant à apprendre sur la phoeniciculture et la culture oasienne en général, nous nous rendons au très intéressant musée du palmier dattier avant de finir la journée par une paisible balade dans cette forêt.

Nous poursuivons le lendemain avec nos 5 kg de dattes à grignoter en traversant le Chott Er Rahim, faisant cap au nord ouest sur le djebel qui, bien qu'à 60 km, se dessine sur l'horizon. Presque à la frontière algérienne il y a une passe dans la montagne à Tamerza et l'oasis est ici superbe pour une balade dans les canyons et les cascades de l'oued.










D'ici nous commençons notre remontée vers le Nord en traversant le bassin d'extraction du phosphate de Gafsa. Géographie plate de moins en moins saharienne, la végétation revient, et avec l'énorme urbanisme populaire, le retour des villes sales qui caractérisent dramatiquement le Nord du pays.

L'autre souci est de plus ou moins longer la frontière algérienne dans un climat d'insécurité prétendue et des forces armées plus présentes. A Mejan Bel Abès, nous sommes indésirables par la Garde Nationale, circulez ! Le bivouac devient plus difficile, nous nous retrouvons à Feriana pour une nuit très bruyante sous la surveillance du poste de police. Mais pour ce soir, à 800m, près de Kef, nous avons pris les devant en nous cachant avant la nuit dans les détours de chemins de montagne, non sans avoir été délogés une première fois par une patrouille zélée. Il y a aussi plein de gens débordant de gentillesse et d'hospitalité dans la campagne qui ont bien du mal à comprendre que nous n' avons besoin de rien.