mardi 19 juillet 2016

Alaska terre providence

19 juillet 2016


La piste est excellente et nous permet de faire une moyenne quotidienne entre 4 et 600 km. Le tourisme n'est plus trop de mise sur cet interminable saignée dans la forêt de pins d'Alaska avec quand même quelques rencontres inattendues.


Notre route au SE s'étire lentement sur la carte de l'écran GPS entre les lacs ou en dessinant des courbes que suivent les méandres des rivières.


D'entre elles la Yukon River est certainement une des plus belles et tellement chargée d'histoire.




Aujourd'hui elle s'offre partout à la contemplation et a perdu toute activité économique, elle n'est plus l'unique voie de pénétration au cœur de l'Alaska et du Yukon depuis 60 ans quand les gigantesques constructions routières ont commencé à apparaître.



Depuis Whitehorse dans l'état du Yukon jusqu'à l’extrême ouest de l'Alaska ou elle se jette dans la mer de Béring, elle offrait plus de 2000 km de voies navigables au prix de périlleux efforts et par la volonté d'entrepreneurs déterminés dans leur conquêtes les plus audacieuses. Le souvenir de l'aventure entretenue ici me donne envie de parler de ces temps héroïques de la navigation sur le cours supérieur du Yukon.
Les premiers vapeurs à roue à aubes arrière y ont fait leur apparition en 1860.



Pendant plus d'un siècle, leur fond plat à faible tirant d'eau (1m) permettait de charger près de 300t de fret pour approvisionner les placers miniers ou redescendre les sacs de minerais argentifère vers le Sud. Le train les acheminait ensuite vers le port de Skagway pour y être embarqués. Les prospecteurs les plus argentés gagnaient le Nord et la prometteuse région du Klondike à bord d'un de ces bateaux, quand d'autres s'épuisaient à atteler tout et n'importe quoi (même des chèvres) pour passer la White Pass avec leur matériel et se ruer vers des filons plus ou moins fabriqués par la rumeur. Très peu ont trouvé et ceux qui ont fait fortune avivent encore les mémoires locales. Plus tard la reconversion de ces bateaux les feront vivre encore quelques années du tourisme de croisière.
Les énormes chaudières avant avalaient jusqu'à 100 cordes de bois en 5 jours de navigation entre Whitehorse et Dawson City créant ainsi une grosse activité de bûcheronnage dévastatrice partout sur les rives qui alignaient des kilomètres de bûche.





Au passage des rapides, comme Five Fingers, des équipes de lamaneurs installaient des câbles qui, tournés aux cabestans du navire, aidaient au déhalage dans les passes étroites et aux courants monstrueux avec l'énergie des 23 membres d'équipage . Sur les bancs de sables sans cesse changeant, on se tirait de l'échouage en portant à terre des câbles d'acier. Puis l'enfoncement verticale de 2 longues béquilles latérales le long des bordages, provoquaient des sauts répétés en levant sporadiquement le navire pour lui donner de l'eau sous la coque.
La navigation étant possible que 7 mois/an, pendant les mois d'hiver, les bateaux étaient tirés à sec sur les berges pour réparation par des armées de charpentiers. Des équipes spécialisées arrivaient donc 2 fois/an à Whitehorse pour assurer les opérations de radoub. En octobre, les rives s'animaient dans le brouhaha des hommes et des chevaux pour actionner d'énormes cabestans qui tiraient des dizaines de navires au sec parallèlement au cours de la rivière sur des rails et glissières en bois et des tonnes de savon de Marseille, un exercice de précision et de patience. Au printemps, on accélérait la débâcle des glaces en enflammant des lignes d'huile sur la glace pour pouvoir procéder à la mise à l'eau et reprendre le lucratif transport.


Si des villes de pionniers comme Dawson comptaient jusqu'à 40 000 habitants et une multitude de corporations, aujourd'hui, elle s'éveille à peine les mois d'été et ses quelques centaines d'habitants animent toujours les commerces restés dans leur jus le long des rues poussiéreuses en terre bordées de trottoirs en bois.






Comme à Chicken Creek l'orpaillage reprend fébrilement par endroit à coup de pelleteuse devant la montée des cours du précieux métal mais les monumentales dragues en bois à godets ne soufflent plus leur vapeur sur les rivières,


On ne parle plus de fièvre et plus rien ne génère la férocité et l'acharnement au dure travail de l'époque avec son lot d'aventures qui me laissent toujours la même impression d'être né 1 siècle trop tard. Plus au nord c'est le pétrole qui déplace des cohortes de camions et d'engins.


Nous laissons l'Alaska avec son faible réseau routier qui concentre les juillettistes et leur obsession saumonière. Puis nous avalons à nouveau l'état du Yukon et la British Colombia pour entrer en Alberta, un peu comme si nous tombions directement dans l'exploitation énergétique à tout prix du 21 e siècle. Gaz, pétrole et charbon y sont extraits partout du sous sol.

Aux abords des Rocheuses les parcs Jasper et Banff vont enfin nous tirer les fesses de derrière le guidon

1 commentaire:

  1. Passionnant, ton récit! ! Millions de mercis ! C'est presque comme si on y était avec toi ..

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