jeudi 24 octobre 2019

En remontant le Rhône


10 10 2019


Notre curiosité va cette fois nous conduire en amont des eaux qui coulent à notre porte à Montélimar. Si nous avons eu tant de fois l'occasion de suivre la vallée du Grand Fleuve vers son embouchure, de Lyon à Port Saint Louis, avec ses nombreux barrages hydroélectriques, ses canaux de navigation latéraux, son industrie florissante, ses réacteurs nucléaires, nous connaissons bien peu l'origine de cette manne hydraulique qui a suscité tant de transformations du couloir rhodanien depuis les glorieuses années 60.
Depuis la première confluence avec l'Arve, à la Jonction, les eaux encore tumultueuses commencent déjà à nous raconter une autre histoire, dépourvue des grandes transformations humaines avec lesquelles elles devront composer jusqu'en Camargue de turbine en écluse, de pompe en condenseur.
Genève libère les eaux du Léman où elles ont appris à s'assagir, régulées ici dans leurs fluctuantes origines glacières saisonnières par l'énorme réservoir franco suisse.



Là, Hélène et Michel, nos amis voyageurs avec lesquels nous avons partagé un peu de nos errances entre Terre de Feu et Alaska, sont dans leur fief. 


Après les rives françaises du lac du côté d'Yvoire, Evian, Thonon, ils nous entraînent vers la source valaisienne, non sans quelques incursions d'altitude depuis les vallées latérales suisses et françaises.
D'abord, mise en jambe vers le col du Ratti depuis celui d'Encrenaz, juste en dessous du Roc d'Enfer où sont encore bien accrochés tant de mes bons et mauvais souvenirs de jeunesse. Panorama grandiose sur le Massif du Mont Blanc et les Dents du Midi.



Une incursion à Avoriaz pour se mettre dans l'ambiance des prouesses spéculatives sur la montagne, 


et nous suivons la classique route de la vallée de Chamonix sous le glacier des Bossons jusqu'à celui de Trient par le sentier du Bisse de Trient, témoignage encore vivant de ce XIX s où on engageait encore de colossaux travaux hydrauliques pour irriguer et cultiver les vallées. Au XXIs l'eau change de sens... on la remonte pour alimenter les canons à neige et servir de nouveaux objectifs ludiques et peut être plus mercantiles.




Au fond du val d'Anniviers, le village de Grimentz arbore ses authentiques chalets alpins flanqués de leurs greniers traditionnels.




Le décor très fleuri est magnifique, sans doute n'a-t-il plus rien à voir avec le cadre de la vie pastorale laborieuse des montagnards de l'époque, mais il contribue tant aujourd'hui à l'accueillante magie des stations d'altitude qui ont trouvé d'autres moutons à tondre.



Dans les bois proches du village, notre bivouac sera animé la nuit entière par le brame des cerfs autour de nous. Il y en a qui paye pour une nuit au brame du cerf dans les Cévennes !
Une superbe installation nous propulse sans effort 1000 m plus haut, puis par le sentier des planètes nous atteignons l'hôtel Weisshorn.




A 2337 m les lieux conservent les charmes des premières épopées alpines, dans le jus architectural de l'époque, avec panorama incroyable, et incontournable fondue allégée d'une tarte prune noisette.



Lestés pour le retour, nous "glissons" jusqu'à Chandolin pour un autre bivouac en hauteur.
Le Rhône au fait ? Nous le retrouvons tout au long de cette vallée rectiligne, qui mène à une des portes de la traversée des Alpes que nous connaissons bien, celle du Simplon.



Sierre, puis Brig et plus très loin, le plus grand glacier des Alpes, celui d'Aletsch que nous allons atteindre par Bettmeralp en empruntant quelques unes de ces énormes installations qui nous téléportent sur ses rives à 2647 m en empruntant 3 installations vertigineuses "in 20 minutes"  !







Pour nous qui venons des montagnes à vaches de la Drôme et des Cévennes où l'enneigement plus aléatoire aide bien à une certaine sagesse, la débauche technologique des transports rapides accrochés ici à toutes les parois nous paraît ahurissante.

Les premières dégradations du permafrost entraîne déjà encore plus de béton à couler dans les entrailles de la montagne pour retenir les terminaux d'altitude. Aménagements hydrauliques pour alimenter les canons. Promotions immobilières de plus en plus imaginatives. Combien de temps encore la glisse des uns pourra faire vivre les lucratives entreprises des autres ?

Nous y sommes presque dans ce village de chalets anciens, à Gletsch, elle est là, la source du Rhône. Enfin, elle était là ! Juste sous nos pieds, il y a peu d'années encore. Aujourd'hui il faut lever la tête et chercher au loin dans la montagne l'extrémité de son glacier donnant naissance à un intrépide torrent qui entame sa course folle de 1000 km vers la méditerranée.


Changeons de bassin versant au col de Grimsel.





Lacs et cascades se succèdent dans une longue et magnifique ancienne vallée glaciaire en grossissant la rivière de l'Aar. Taillée dans les parois rabotées par la glace, nous descendons jusqu'au canyon des Aareschlurt pour notre bivouac.




Là commence une autre histoire que nous aurons peut être l'occasion de découvrir un jour en suivant le fil des eaux de l'Aar jusqu'au Rhin puis jusqu'à la mer du Nord.
Pour l'heure c'est ici l'occasion de comprendre l'énorme travail qui se joue sous la pression des centaines de mètres de glace dans les profondeurs de l'avancée érodante du glacier. Ses eaux de fonte chargées de minéraux et d'agents chimiques tourbillonnent dans ses crevasses en créant des moulins qui finissent par pénétrer la roche. Ce canyon de 180 m de profondeur et entre 2 et 40 m de large, offre une balade semi sous-terraine suspendue au-dessus du tumulte des eaux en furie.









Après Interlaken,




nous quittons la vallée de Thune pour celle de la Simme dans l'Oberland bernois parsemé de chalets traditionnels au milieu de pâturages vert fluo, genre terrain de golf, où paissent de belles "vaches milka" avec clarines sur fond de sommets enneigés... C'est laaaa Suissssse...



Ancien ou tout neuf, les ponts couverts en bois sont aussi là une caractéristique locale qui valent bien la photo d'un certain reporter du National Géographic...



Et pour faire complètement dans le cliché national, nous faisons une dernière escale au château médiéval et un peu kitsch de Gruyère où l'on nous sert des rustis bien sûr !



Aller, un dernier bivouac en pleine montagne bien dans l'esprit du pays, avec pierre à feu, bois, petit bois, papier et tout mis à disposition pour que le voyageur de passage se sente "comme à la maison".








Notre passage à Gstaad et le col du Pillon nous ramènent sur les rives du Lac pour fermer la boucle.




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