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10 2019
Notre
curiosité va cette fois nous conduire en amont des eaux qui coulent
à notre porte à Montélimar. Si nous avons eu tant de fois
l'occasion de suivre la vallée du Grand Fleuve vers son embouchure,
de Lyon à Port Saint Louis, avec ses nombreux barrages
hydroélectriques, ses canaux de navigation latéraux, son industrie
florissante, ses réacteurs nucléaires, nous connaissons bien peu
l'origine de cette manne hydraulique qui a suscité tant de
transformations du couloir rhodanien depuis les glorieuses années
60.
Depuis
la première confluence avec l'Arve, à la Jonction, les eaux encore
tumultueuses commencent déjà à nous raconter une autre histoire,
dépourvue des grandes transformations humaines avec lesquelles elles
devront composer jusqu'en Camargue de turbine en écluse, de pompe en
condenseur.
Genève
libère les eaux du Léman où elles ont appris à s'assagir,
régulées ici dans leurs fluctuantes origines glacières
saisonnières par l'énorme réservoir franco suisse.
Là,
Hélène et Michel, nos amis voyageurs avec lesquels nous avons
partagé un peu de nos errances entre Terre de Feu et Alaska, sont
dans leur fief.
Après les rives françaises du lac du côté
d'Yvoire, Evian, Thonon, ils nous entraînent vers la source
valaisienne, non sans quelques incursions d'altitude depuis les
vallées latérales suisses et françaises.
D'abord,
mise en jambe vers le col du Ratti depuis celui d'Encrenaz, juste en
dessous du Roc d'Enfer où sont encore bien accrochés tant de mes
bons et mauvais souvenirs de jeunesse. Panorama grandiose sur le
Massif du Mont Blanc et les Dents du Midi.
Une
incursion à Avoriaz pour se mettre dans l'ambiance des prouesses
spéculatives sur la montagne,
et nous suivons la classique route de
la vallée de Chamonix sous le glacier des Bossons jusqu'à celui de
Trient par le sentier du Bisse de Trient, témoignage encore vivant
de ce XIX s où on engageait encore de colossaux travaux
hydrauliques pour irriguer et cultiver les vallées. Au XXIs l'eau
change de sens... on la remonte pour alimenter les canons à neige et
servir de nouveaux objectifs ludiques et peut être plus mercantiles.
Au
fond du val d'Anniviers, le village de Grimentz arbore ses
authentiques chalets alpins flanqués de leurs greniers
traditionnels.
Le
décor très fleuri est magnifique, sans doute n'a-t-il plus rien à
voir avec le cadre de la vie pastorale laborieuse des montagnards de
l'époque, mais il contribue tant aujourd'hui à l'accueillante magie
des stations d'altitude qui ont trouvé d'autres moutons à tondre.
Dans
les bois proches du village, notre bivouac sera animé la nuit
entière par le brame des cerfs autour de nous. Il y en a qui paye
pour une nuit au brame du cerf dans les Cévennes !
Une
superbe installation nous propulse sans effort 1000 m plus haut, puis
par le sentier des planètes nous atteignons l'hôtel Weisshorn.
A
2337 m les lieux conservent les charmes des premières épopées
alpines, dans le jus architectural de l'époque, avec panorama
incroyable, et incontournable fondue allégée d'une tarte prune
noisette.
Lestés
pour le retour, nous "glissons" jusqu'à Chandolin pour un
autre bivouac en hauteur.
Le
Rhône au fait ? Nous le retrouvons tout au long de cette vallée
rectiligne, qui mène à une des portes de la traversée des Alpes
que nous connaissons bien, celle du Simplon.
Sierre,
puis Brig et plus très loin, le plus grand glacier des Alpes, celui
d'Aletsch que nous allons atteindre par Bettmeralp en empruntant
quelques unes de ces énormes installations qui nous téléportent
sur ses rives à 2647 m en empruntant 3 installations vertigineuses
"in 20 minutes" !
Pour
nous qui venons des montagnes à vaches de la Drôme et des Cévennes où l'enneigement plus aléatoire aide bien à une certaine sagesse,
la débauche technologique des transports rapides accrochés ici à
toutes les parois nous paraît ahurissante.
Les
premières dégradations du permafrost entraîne déjà encore plus
de béton à couler dans les entrailles de la montagne pour retenir
les terminaux d'altitude. Aménagements hydrauliques pour alimenter
les canons. Promotions immobilières de plus en plus imaginatives.
Combien de temps encore la glisse des uns pourra faire vivre les lucratives
entreprises des autres ?
Nous
y sommes presque dans ce village de chalets anciens, à Gletsch,
elle est là, la source du Rhône. Enfin, elle était là ! Juste
sous nos pieds, il y a peu d'années encore. Aujourd'hui il faut
lever la tête et chercher au loin dans la montagne l'extrémité de
son glacier donnant naissance à un intrépide torrent qui entame sa
course folle de 1000 km vers la méditerranée.
Changeons
de bassin versant au col de Grimsel.
Lacs
et cascades se succèdent dans une longue et magnifique ancienne
vallée glaciaire en grossissant la rivière de l'Aar. Taillée dans
les parois rabotées par la glace, nous descendons jusqu'au canyon
des Aareschlurt pour notre bivouac.
Là
commence une autre histoire que nous aurons peut être l'occasion de
découvrir un jour en suivant le fil des eaux de l'Aar jusqu'au Rhin
puis jusqu'à la mer du Nord.
Pour
l'heure c'est ici l'occasion de comprendre l'énorme travail qui se
joue sous la pression des centaines de mètres de glace dans les
profondeurs de l'avancée érodante du glacier. Ses eaux de fonte
chargées de minéraux et d'agents chimiques tourbillonnent dans ses
crevasses en créant des moulins qui finissent par pénétrer la
roche. Ce canyon de 180 m de profondeur et entre 2 et 40 m de large,
offre une balade semi sous-terraine suspendue au-dessus du tumulte
des eaux en furie.
Après
Interlaken,
nous
quittons la vallée de Thune pour celle de la Simme dans l'Oberland
bernois parsemé de chalets traditionnels au milieu de pâturages vert
fluo, genre terrain de golf, où paissent de belles "vaches
milka" avec clarines sur fond de sommets enneigés... C'est
laaaa Suissssse...
Ancien ou tout neuf, les
ponts couverts en bois sont aussi là une caractéristique
locale qui valent bien la photo d'un certain reporter du National
Géographic...
Et
pour faire complètement dans le cliché national, nous faisons une
dernière escale au château médiéval et un peu kitsch de Gruyère où
l'on nous sert des rustis bien sûr !
Aller,
un dernier bivouac en pleine montagne bien dans l'esprit du pays,
avec pierre à feu, bois, petit bois, papier et tout mis à
disposition pour que le voyageur de passage se sente "comme à
la maison".
Notre
passage à Gstaad et le col du Pillon nous ramènent sur les rives du
Lac pour fermer la boucle.
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